Lettres Patentes du Roi pour l'extinction de P.R. Des Champs, du 14 novembre 1708
LOUIS, &c.
Les Abbesses & Religieuses du Port-Royal de Paris nous ont très-humblement fait exposer que leur Monastere & celui de Port-Royal des Champs, qui depuis la translation faite en 1625 de l'Abbaye de Port-Royal en la Maison du Fauxbourg St Jacques de notre bonne ville de Paris, ne composoient ensemble qu'une seule & même Abbaye, gouvernée par les ordres & sous l'autorité d'une seule & même Abbesse, faisant as résidence au Monastere de Paris comme chef-lieu de ladite Abbaye, auroient été dans la suite divisés en deux différents titres d'Abbayes indépendantes l'une de l'autre, & en conséquence les biens & les charges de l'ancienne Abbaye partagés définitivement entre ces deux Monasteres, sçavoir les deux tiers pour l'Abbaye de Port-Royal des Champs, dont la Communauté étoit alors plus nombreusen & l'autre tiers pour l'Abbaye de Port-Royal de Paris ; lequel partage auroit été ordonné par Arrêt de notre Conseil d'Etat du 13 Mai 1669, & ensuite autorisé par Bulle du Pape Clément X du 23 Septembre 1671, confirmée par nos Lettres Patentes du mois d'Avril 1672 ; mais que depuis ce temps-là, la Communauté des Religieuses de Port-Royal des Champs étant extrêmement diminuée, & réduite de soixante & onze Religieuses qu'il y avoit lors du partage, à dix-sept qui y restent présentement, même sans espérance de se rétablir, attendu les défenses que nous leur avons faites de recevoir des Novices pour les causes & raisons mentionnées en l'Arrêt de notre Conseil du 17 Avril 1706, & la Communauté des /162/ Religieuses de Port-Royal de Paris étant au contraire tellement augmenté par la reception des Novices, que les revenus qui leur ont été délaissés, ne se trouvant pas à beaucoup près suffisans pour l'entretien de leur Communauté, elle ne subsiste depuis long-temps que par le secours des emprunts qu'elle a été obligée de faire tous les ans, & dont elle est présentement accablée, les Exposantes auroient obtenu Arrêt de notre Conseil d'Etat du 9 Fevrier 1707, par lequel, après avoir fait instruire exactement de l'état de l'une & de l'autre Maison, nous avons revoqué & annullé l'Arrêt de notre Conseil du 13 Mai 1669, & nos Lettres Patentes du mois d'Avril 1672, en ce qui concerne le partage qui y est ordonné de tous les biens meubles et immeubles de l'Abbaye de Port-Royal, entre la Maison de Paris & celle des Champs, & en conséquence nous avons ordonné que les Exposantes se retireroient par-devers le Sr Cardinal de Noailles, Archevêque de Paris, pour être par lui statué sur l'extinction & suppression par elles requises du titre de l'Abbaye & Monastere de Port-Royal des Champs, & réunion des biens & revenus qui en dépendent, à l'Abbaye de Port-Royal de Paris, suivant les Regles & Constitutions Canoniques ; & cependant que par provision il seroit mis en séquestre par chaque an sur les revenus dont jouit actuellement la Maison de Port-Royal des Champs, la somme de six mille livres, que les Religieuses de Port-Royal des Champs seroient tenues de remettre de quartier en quartier ès mains du Séquestre par nous commis, pour être ladite somme appliquée & employée ainsi qu'il seroit ordonné.
A l'exécution duquel Arrêt /164/ les Religieuses de Port-Royal des Champs ayant formé opposition, elle en auroient été contradictoirement déboutées par Arrêt de notre Conseil d'Etat des 13 Mai & 29 Novembre 1707, durant lequel temps les Exposantes, en conséquence de l'Arrêt du 7 Février précédent, s'étant pourvues par devant le Sr Cardinal de Noailles pour être par lui procédé comme Ordinaire, auxdites suppressions & réunions, il auroit par son ordonnance du 22 Mars 1707, & sur les conclusions de son Promoteur nommé un Commissaire, pour, avant faire droit sur la Requête des Exposantes, faire descente tant à l'Abbaye de Port-Royal des Champs qu'en celle de Paris, dresser Procès-verbal de l'état & quantité des biens, revenus & charges, tant ordinaires qu'extraordinaires de l'une et l'autre Maison, les Parties intéressées présentes ou duement appellées, & informer de la commodité & incommodité des suppression ou réunion requise, à l'execution de laquelle Ordonnance les Religieuses de Port-Royal des Champs ayant formé opposition, il seroit intervenu Sentence contradictoire à l'Officialité de Paris le 3 Août 1707, par laquelle, sans avoir égard aux moyens d'oppositions & fins de non-procéder des Religieuses de Port-Royal des Champs, dont elles auroient été déboutées, il auroit été ordonné qu'il seroit passé outre à l'exécution de l'Ordonnance du Sr Cardinal de Noailles du 22 Mars precédent ; de laquelle Sentence les Religieuses de Port-Royal des Champs auroient encore interjetté à la Métropole de Lyon ; & comme toutes ces oppositions avoient principalement pour prétexte, que la séparation /165/ de l'Abbaye de Port-Royal en deux différentes Abbayes, & indépendantes l'une de l'autre, ayant été autorisée par le St Siège, la réunion n'en pouvoit être faite que par la même autorité, les Exposantes, quoique bien instruites que les causes de la séparation qui avoit été faite de cette Abbaye venant de cesser, l'autorité qu'il avoit plu au Saint Siège d'interposer alors pour confirmer cette séparation, ne pouvoit, selon les anciens Canons & les usages du Royaume, réserver au Saint Siège seul la suppression de l'un des deux Monasteres, le cas l'exigeant, & empêcher l'Ordinaire de procéder par les voies de droit ; & néanmoins pour éteindre tout prétexte de mauvais incident, & en faire cesser les longueurs, les Exposantes qui ont grand intérêt d'accélérer cette réunion, auroient à toutes fins obtenu Bulle de N.S.P. le Pape Clément XI, datée du sixième avant les Calendes du mois d'Avril dernier, & adressée au Sieur Archevêque de Paris, pour la suppression entiere dudit Monastere de Port-Royal des Champs, & réunion de tous ses droits & revenus qui en dépendent au Monastere de Port-Royal de Paris, avec dérogation expresse à la Bulle de Clément X, confirmative du partage ci-devant fait entre ces deux Maisons, & faculté au Sieur Archevêque de Paris de transférer les Religieuses de Port-Royal des Champs en un ou plusieurs autres Monasteres, une & plusieurs fois, & pourvoir à leur subsistance comme il le jugeroit à propos ; le tout ainsi qu'il est plus au long contenu auxdites Bulles, pour l'exécution desquelles les Exposantes nous ont fait demander nos Lettre-Patentes sur ce nécessaires/166/
A ces causes, desirant contribuer de notre pouvoir au soulagement des Exposantes, nous vous mandons & ordonnons par ces Présentes, signées de notre main, que, notre Procureur-Général appellé, s'il vous est appert qu'à ladite Bulle ci-attachée, sous le contre-scel de notre Chancellerie, il n'y ait rien de contraire aux saints Décrets, Droits de notre Couronne, Concordats, Franchises & Libertés de l'Eglise Gallicane, vous ayez en ce cas à la faire registrer, & icelle exécuter selon sa forme & teneur : car tel est notre plaisir. Donné à Versaillesle 14 Novembre 1708, & de notre Regne le soixante-sixieme.
Signé, LOUIS.
Vu par la Cour, &c. La Cour ordonne que lesdites Bulles & Lettres seront enregistrées au Greffe d'icelle, pour jouir par les Impétrantes de l'effet & contenu en icelles, & être exécutée selon leur forme & teneur ; & en conséquence, qu'il sera procédé par l'Archevêque de Paris suivant les formes de droit, ainsi qu'il appartiendra, en exécution de ladite Bulle ; sans approbation de la clause portant dérogation aux Conciles généraux, & sans que ladite clausse puisse en aucun cas être tirée à conséquence, comme aussi sans préjudice de l'autorité & Juridiction des Ordinaires, & des Libertés de l'Eglise Gallicane.
Fait en Parlement le 10 Décembre 1708.