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De l’ancienne abbaye, il ne subsiste aujourd’hui que les fondations de l’église abbatiale construite au début du XIIIe siècle et l’imposant pigeonnier. L’oratoire, construit en 1891 en style néo-gothique à l’emplacement du chevet de l’ancienne église, accueillait à l’origine le premier musée. Des tilleuls plantés en carré autour d’un calvaire indiquent l’emplacement de l’ancien cloître. La vallée du Rhodon est barrée par une digue qui permettait de faire tourner le moulin de l’abbaye. Le long du mur d’enceinte subsistent encore quelques bâtiments agricoles. Plantée dans les bases d’une ancienne tour, une croix forgée évoque l’ancienne cour de la Solitude dans laquelle les religieuses se réunissaient. Le site de l’abbaye de Port-Royal des Champs, rasée sur ordre de Louis XIV entre 1712 et 1713, est très tôt devenu un lieu de pèlerinage officieux mais important. Resté propriété de Port-Royal de Paris, il est vendu comme bien national à la Révolution française. En 1829, Louis Silvy (1760-1847), fervent janséniste et alors maire de Saint-Lambert-des-Bois, s’en porte acquéreur : à l’emplacement de l’ancien chœur de l’abbatiale, il fait édifier « une petite salle... servant d’oratoire », modeste maison de plan carré. Cet édifice Ce rôle incombe tout particulièrement à Augustin Gazier (1844-1922), bibliothécaire et secrétaire-trésorier de la Société, historien de Port-Royal. Près de trois décennies après l'acquisition, on décide la reconstruction de l’édifice sous la forme d’un « oratoire-musée ». L’architecte Hippolyte Mabille (v.1845-1923) dirige le chantier qui dure deux ans, entre 1891 et 1892. La forme de chapelle est inspirée du gothique classique du xiiie siècle, époque de construction de l’abbatiale. Le chantier s'accompagne de plusieurs campagnes de fouilles importantes. Notons que dans les mêmes années, les propriétaires du site des Granges font construire par Gabriel Ruprich-Robert une maison pastichant cette fois les châteaux Louis XIII. Si le néo-xviie siècle rend un juste hommage à la période faste du site des Granges, Le mélange des iconographies est une illustration parfaite du concept d’oratoire-musée, puisque le propos religieux côtoie le discours historique et artistique : dans le chœur, le Christ bénissant inspiré de la Cène peinte pour Port-Royal et flanqué des apôtres Pierre et Paul ; dans la nef, quatre portraits d’illustres personnages de l’abbaye : Antoine Arnauld, la mère Angélique et l’abbé de Saint-Cyran, ainsi que Blaise Pascal. Entre les deux, Bernard de Clairvaux, le grand saint cistercien, et saint Augustin, le docteur de la grâce cher à Port-Royal, sont en position d’intercesseurs. Étonnamment, pour ces deux pères de l’Église,les compositions de Champaigne,bien connues par Gazier,n’ont pas servi de modèle. Saint Bernard est dérivé d’un modèle connu comme sa Vera Effigies (la Vraie Image), dont l’un des exemplaires les plus anciens est un tableau peint au xvie siècle provenant du réfectoire de l’abbaye de Cîteaux. Saint Augustin est, quant à lui, figuré en pleine inspiration divine, présentant un de ses textes sur la grâce et sa relation au libre-arbitre, point nodal de la querelle janséniste. La Société de Saint-Augustin commande également une statue de Vierge à l’Enfant, présentée comme une « réduction de celle qui ornait au treizième siècle l’abbaye de Royaumont », une des principales maisons cisterciennes d’Île-de-France. L’oratoire-musée est conçu comme un tout jusque dans ses vitrines, offertes par le baron Locré, ancien secrétaire-trésorier de la Société de Saint-Augustin et ami proche de Gazier. Les fouilles ont révélé de nombreuses pierres tombales. Celle de l’abbesse Philippe de Varenne (†1325) a été placée au revers de la façade. À l’extérieur, se trouvent deux pierres retrouvées lors des fouilles pratiquées en 1844-1845 sous la conduite d’Honoré d’Albert (1802-1867), duc de Luynes et de Chevreuse, passionné d’archéologie et descendant d’un éminent protecteur de l’abbaye. On voit ainsi à gauche, l’abbesse Philippe de Levis (†1280) et à droite, Mathieu III de Marly (†1305), descendant des fondateurs de Port-Royal. Enfin, les bustes en bronze de Jean Racine et Blaise Pascal, réalisés par le sculpteur Jean Frère (1851-1906), ont été inaugurés le 25 avril 1899 lors du bicentenaire de la mort du tragédien, dont la première sépulture fut à Port-Royal, comme le rappelle une stèle placée à l’emplacement supposé de sa tombe en 1892. Cet oratoire-musée a présenté, jusqu’en 1985, la collection de la Société de Port-Royal (héritière de la Société de Saint-Augustin), aujourd’hui en grande partie déposée au musée national de Port-Royal des Champs où le visiteur peut venir l’y découvrir. Fermé depuis lors, l’oratoire-musée rouvre pour la première fois ses portes au public à l’occasion des journées européennes du patrimoine 2015.
1. Louis Morize, Vue de l’oratoire de Louis Silvy, arch. dép. Yvelines, 121J 137 2. Portrait d'Augustin Gazier, MNPRDC, PRG 381 3. Abbaye de Port-Royal : intérieur du musée, carte postale ancienne 4. Relevé du tombeau de Mathieu III de Marly, réalisé à l’occasion des fouilles de 1844-1845 5. Oratoire des ruines de Port-Royal des Champs (2015) Les vitraux de l'oratoire des ruines
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