Bulle de Clément XI pour la suppression & extinction de l’Abbaye de P. Royal des Champs. CLEMENT, Evêque, Serviteur des Serviteurs de Dieu. A notre Vénérable Frere, l’Archevêque de Paris, Salut & Bénédiction Apostolique. Le devoir du Ministere Apostolique qui nous a été imposé d’en-haut, nous oblige de pourvoir à tout ce qui peut entretenir par un heureux gouvernement le doux repos & le bon état de tous les Monasteres,& principalement de ceux des Filles, qui ayant méprisé les délices du siècle, servent Dieu sous le joug aimable de la vie Religieuse, nous nous portons volontiers à donner notre application à ce qui les regarde, & à leur tendre avec bonté une main secourable, pour maintenir en leur entier & à perpétuité les choses qu'on dit avoir été réglées & ordonnées à cet effet, ainsi que nous voyons qu'il leur est salutaire & utile selon Dieu. Comme donc il nous a été présenté de la part de nos cheres Filles en Jesus-Christ, les Abbesses & Re1igieufes du Monastere du Fauxbourg Saint Jacques de la Ville de Paris, de l'Ordre de Citeaux, une Supplique au sujet du Monastere de Port-Royal – des – Champs, où il n'y a plus d'efperance de pouvoirt à l'avenir augmenter le nombre des Religieuses, au lieu que celui de Paris, dans lequel la vraie & parfaite discipline réguliere prend tous les jours de nouveaux accroissemens… Mais une raison encore plus considérable, c’est que les Religieuses de Port-Royal -des· Champs ont fait voir leur obstination & leur attachement opiniâtre à fomenter l'hérésie Jansénienne, & qu'elles en ont donné tout récemment des preuves plus marquées & plus évidentes par le /156/ refus qu'elles font encore, avec autant de scandale que d'opiniâtreté, de souscrire & de se soumettre à la Constitution que avons publiée contre la même hérésie Jansénienne, pour en ruiner & renverser de fond en comble jusqu'aux derniers retranchemens : ce qu'elles font, tant au mépris de l'autorité du Saint Siége, que de celle du très-pieux & très-invincible Monarque le Roi de France, qui avait ordonné que notre Constitution fût reçue dans tous ses Etats, & qui après avoir exterminé avec courage & avec succès les anciennes hérésies dans tout son Royaume, travaille sans cesse & sans relâche à exterminer les nouvelles avec une grandeur d'ame égale à son zèle pour la Religion. Cest pourquoi nous avons été très-humblement suppliés par la derniere Abbeffe & les Refigieuses du Monastere de Port-Royal de Paris, & en leur faveur par Sa Majesté très-Chrétienne, de pourvoir par notre bienveillance Apostolique à la pauvreté & à l'indigence de ce Monastere, & à l'augmentation de sa discipline réguliere, en accordant les choses marquées ci-dessus. Nous donc voulant spécialement gratifier toutes lesdites Religieuses, & chacune d'elles, nous leur donnons à chacune en particulier, pour l'effet de ces Présences seulement, l'absolution de toute excommunication, suspense, interdit & autres Sentences Ecclésiastiques, Censures, & peines portées par le Droit ou par un Juge, à quelque occasion ou pour quelque cause que ce soit, si elles s'en trouvent liées en quelque maniere que ce puisse être, & nous voulons qu'elles soient tenues comme en étant absoutes ;. & recevant favorablement /157/ leur Supplique, nous mandons à votre Fraternité par ce Rescrit Apoftolique, qu'après avoir appel1é tous ceux qui doivent être appellés, vous supprimiez de notre autorité & éteigniez dès-maintenant pour toujours le Monaftere de Port-Royal-des-Champs & toutes les choses qui lui appartiennent, Supériorité, Domaine, Juridiction, état & essence réguliere ; que vous sécularisiez ledit Monastere de Port-Royal-des-Champs & son Eglise : que de notre même autorité, vous retranchiez & sépariez pour toujours de ce Monastere tous & chacuns de ses biens, meubles & immeubles, sacrés & profanes, fonds, appartenances, maisons, cens, terres, & tous ses autres Biens, sous quelque nom qu'ils soient compris, & de quelque nature & espece qu'ils puissent être, que nous voulons être tenus pour exprimés & insérés ici, tant ceux qui composent les deux tiers qui lui furent assignés pour fon entretien par le partage ci-dessus, que ceux que les Religieuses dudit Monastere peuvent avoir acquis depuis, par les legs pieux faits à elles, à leur Monastere ou à leur Eglise, par donation ou par quelqu'autre maniere & espece d'acquêts que ce soit, & que vous ôtiez l'entiere & totale administration des fruits & revenus de ces biens aux Religieuses du dudit Monastere ; que ces Biens étant ainsi retranchés & séparés, vous les appliquiez de notre même autorité, & appropriiez pour toujours au Monastere de Paris ; de forte que les Abbesses & Religieuses qui sont aujourd'hui dans ce Monastere , & qui y seront alors, puissent prendre librement, soit par elles-mêmes ou par d'autres, pour elles & au nom de leur Monastere, & retenir à perpétuité la vrai, /158/ réelle & actuelle possession de tous. & chacuns des susdits Biens, Appartenances, Fonds, Maisons, Cens, Terres, & de tous les fruits revenus & profits quelconque, desdits Biens retranchés & séparés du Monastere de Port-Royal-des-Champs, comme il vient d'être dit, pour être appliqués & appropriés à leur Monastere en la maniere qui sera marquée ci-dessous, les affermer, en casser les Baux, les donner à rente, en exiger, percevoir & lever les revenus, & les convertir en usages convenables à leur état, pour leur utilité & celle de leur Monastere, à condition néanmoins par les Abbesse & Religieuses qui sont aujourd'hui, & qui seront alors dans le Monastere de Port-Royal de Paris, de suppporter toutes & chacune les charges, fi aucunes y a, dont le Monastere de Port-Royal-des-Champs peut être tenu, même de faire acquitter les Meffes & les autres Fondations pieufes ; lesdites séparations & application étant faites aux conditions suivantes, sçavoir, que l'Abbesse & Religieuses qui sont aujourd'hui & qui seront alors audit Monastere de Port-Royal de Paris, sur les fruits, revenus & profits des susdits Biens, qui doivent, comme il a été dit ci-dessus, être appliqués & appropriés à leur Monastere, seront tenues de donner & fournir réellement & effectivement, par chacun an, les alimens & les autres choses qui pourront être nécessaires pour l'entretien des Religieuses de Port-Royal-des-Champs, selon la somme & la quantité que nous laissons à votre volonté à régler & à assigner, comme étant leur Ordinaire, à qui elles font immédiatement soumises, & selon la forme & la maniere qui sera par nous prescricte ; & que les Religieuses de Port-/159/ Royal des-Champs seront obligées de remettre entre les mains de l'Abbesse & des Religieuses de Paris, ou de leurs Officiers ou Domestiques, tous les Titres & Papiers, tant publics que particuliers, qu'elles ont dans leurs Archives, concernant lesdits Biens retranchés & séparés, comme il est dit ci-dessus, de leur Monastere, & appliqués & appropriés à celui de Port-Royal de Paris, pour Titres & Papiers être conservés à 1'avenir dans les Archives dudit Monastere de Paris. Et afin que cette suppression & cette application ayent plus promptement leur effet, & que le nid où l’erreur a pris de si pernicieux accroissemens, soit entierement renversé & déraciné, les Religieuses tant du Chœur que Converses qui sont présentement, comme il a été dit ci-dessus, au Monaftere de Port-Royal-des-Champs, peuvent & doivent être transférées, ensemble ou séparément dans le tems, la maniere & la forme que vous jugerez. à propos ; suivant votre discrétion & votre conscience, en d’autres Maisons Religieuses ou Monasteres que vous choisirez une ou plusieurs fois, selon que la chose le demandera, même hors de votre Diocèse, du consentement néanmoins de l'Ordinaire; & des Maisons Religieuses ou Monasteres que vous aurez choisis, & où l'on fournira auxdites Religieuses qui auront été transférées, l'entretien & la nourriture tant qu'elles vivront, comme il a été dit ci-deffus. S’il arrive que les suppression, extinction, abdication, séparation, application, appropriation & translation susdites le fassent par vous en vertu de ces Présentes, comme il a été dit ci-dessus, nous voulons qu'on ne puisse, sur quelque fondement ou pour quelque /160/ cause que ce soit, qui même auroit dû être exprimée ici, attaquer, revoir, & contester en droit les Présentes, ni obtenir à l'encontre aucun remède de Droit, de faveur ou de Fait, sous prétexte d'obreption, subreption, nullité, défaut d'intention de notre part, ou parce que les Parties intéressées n'y auroient point donné leur consentement : mais nous voulons qu'elles soient à toujours & à jamais valides et efficaces présentement & à l'avenir, qu'elles subsistent & obtiennent leur plein & entier effet ; & que tous Juges ordinaires & délégués, de quelque autorité qu'ils soient revêtus, même les Auditeurs des Causes du Palais Apostolique, les Cardinaux de la Sainte Eglise Romaine, les Légats a Latere, les Vices-Légats, les Nonces du Siège Apostolique, ne puissent juger & définir rien de contraire ; & si quelqu'un de quelque autorité qu'il soit revêtu, ose y donner atteinte sciemment ou par ignorance, nous déclarons nil & sans effet tout ce qu'il auroit décerné nonobstant les susdites Lettres de Clément, notre Prédécesseur, le serment du Monastere de Port-Royal-des-Champs & de l'Ordre de Cîteaux, tous statuts & coutumes confirmés par le Siège Apostolique, & appuyés par quelque autorité que ce soit, nonobstant le dernier Concile de Latran, qui défend les abdications, séparations, applications & appropriations perpétuelles, hors le cas permis par le droit, & en tant que besoin sera, nos regles de la Chancellerie Apostolique touchant la necessité du consentement, & la défense d'ôter un bien acquis, & touchant les suppressions perpétuelles, les abdications, séparations & appropriations qui ne doivent se faire qu'en y appellant les Parties qui ont intérêt, nonobstant toutes les autres /161/ regles établies dans les Synodes, dans les Conciles Provinciaux & Généraux, ou qui y seront établies à l'avenir, toutes Constitutions ou Ordonnances Apostoliques, spéciales ou générales, sous quelque forme & teneur qu'elles soient, & avec quelque clause que ce puisse être, dérogeantes ou dérogatoires, & autres plus efficaces, très-effciaces & extraordinaires, clauses irritantes ; nonobstant tous autres Décrets accordés au contraire de ce qui vient d'être exprimé, de quelque manière qu'ils ayent été accordés ; à tous & à chacun desquels nous dérogeons par ces Présentes spécialement, expressément, pleinement & dans toute leur étendue, & à tous autres contraires à ces Présentes pour cette fois seulement : ces mêmes Décrets demeurant d'ailleurs dans toute leur force, quand même il seroit nécessaire de faire d'iceux, & de leur entiere teneur, mention spéciale, spécifique, expresse & particuliere, & non par des clauses générales portant la même chose, ou quand il en faudroit faire toute autre expression ou observer toute autre formalité à ce requise, les tenant pour exprimés dans toute leur teneur, comme s'ils avoient été inférés dans ces Présentes mot à mot sans en rien omettre, & comme si toutes les formalités prescrites par ces Décrets avoient été observées. Donné à Rome à Saint Pierre le 27 Mars, l'an de Notre Seigneur 1708, & le huitième de notre Pontificat. Sources : PRL 2710, Suite du supplément au Nécrologe des défenseurs de la vérité, ou recueil de pièces importantes sur les affaires de l’Eglise des dix-septieme et dix-huitieme siècles… Tome cinquième, s.l., s.n., 1764, p. 155-161. |