Jardins du Moyen-Âge au XVIIe siecleComme tout site monastique, conformément aux règles et traditions en vigueur dans les ordres bénédictin et cistercien, l’abbaye de Port-Royal des Champs possédait et entretenait, probablement dès sa fondation au XIIIème siècle, plusieurs parcelles de jardins dits « utilitaires ». Ces espaces de production horticole répondaient aux besoins élémentaires de la communauté : se nourrir, se soigner, embellir l’église et les espaces consacrés. Chaque jardin avait une fonction et une localisation bien définie : le jardin potager, dit souvent Hortus Magnus ou « Grand Jardin », à proximité des cuisines et du réfectoire ; le jardin médicinal, ou Herbularius, à proximité de l’infirmerie et de l’apothicairerie ; ou encore le jardin bouquetier, parfois aussi dénommé « Jardin de l’abbesse », dédié au fleurissement liturgique, souvent accolé aux bâtiments conventuels. Même si on connaît encore mal l’histoire médiévale du monastère, il semble que, dans le domaine du jardin, le XVIIème siècle constitue pour Port-Royal une forme d’apogée. Dès sa réforme religieuse, la Mère Angélique Arnauld s’attela à rétablir les jardins communautaires et la pratique quotidienne des travaux de la terre, selon les modèles primitifs des Pères cisterciens. Les jardins du monastère s’agrandirent progressivement entre 1610 et 1670, jusqu’à s’étendre sur plusieurs hectares à l’intérieur de l’enceinte monastique, suivant en cela l’accroissement rapide de la communauté. Mais, au-delà de la pratique monastique traditionnelle, Port-Royal s’affirma aussi comme l’un des hauts lieux d’expérimentation et de naissance de l’horticulture moderne, autour des travaux fondateurs du savant Solitaire Robert Arnauld d’Andilly et de la communauté laborieuse des « bienheureux jardiniers », parmi lesquels le dévoué vigneron François Bouilly, l’illustre mondain Louis de Pontis, le rugueux anglais Francis Jenkins, ou encore le noble pénitent Sébastien-Joseph du Camboust de Pontchâteau. Cette expérience horticole remarquable se développa aux abords immédiats du monastère, sur les hauteurs de la colline des Granges, dans la ferme du même nom. C’est peu après son arrivée en retraite à Port-Royal-des-Champs, entre 1646 et 1648, qu’Arnauld d’Andilly se lance dans la création du verger des Granges, sous les fenêtres des logis des Solitaires et des Petites Écoles. Cette réalisation constitue son grand chef d’œuvre horticole : un « jardin vitrine » où furent expérimentées et perfectionnées les dernières techniques horticoles de fertilisation, d’hydraulique, de greffe ou d’espalier, et où de nouvelles variétés de poires, pêches et pavies furent acclimatées. On peut dès lors mieux comprendre l’admiration de membres de la Cour de la reine régente Anne d’Autriche lorsqu’au milieu du siècle leur arrivaient les paniers de « fruits monstres » de Port-Royal. On peut aussi entendre, à l’autre versant du Grand Siècle, les mots de La Quintinie, le maître jardinier de Louis XIV en son Potager du Roi à Versailles, lorsqu’il évoque dans ses traités la mémoire de Robert Arnauld d’Andilly et de ses créations variétales : un hommage appuyé à « l’illustre père de tous les honnêtes jardiniers ». Jardins du XVIIIe au XXe siecleL’ensemble des jardins de Port-Royal tombèrent en déshérence au début du XVIIIème siècle avec le démantèlement du monastère, marqué par l’expulsion des religieuses, et avec elles des derniers jardiniers résidents, en 1709. Cependant, la continuité de l’activité de ferme sur le site des Granges permit de sauvegarder une partie du verger des Solitaires, ainsi que le laisse penser la visite de l’abbé Grégoire en 1809 : « (...) dans le verger et le potager, sont encore beaucoup d’espaliers et de hauts-vents, contemporains des solitaires, et plantés de leurs mains. (...) Quoique ces arbres dans leur décrépitude ne produisent presque plus, le fermier défend qu’on les arrache ». Il faudra cependant attendre jusqu’au milieu du XIXème siècle pour voir de nouveaux aménagements de jardins sur le site de Port-Royal. Il s’agit cette fois de véritables parcs paysagers, influencés par le modèle des jardins romantiques, dits « à l’anglaise ». Sous l’impulsion de Louis Silvy, le site des ruines de l’abbaye se couvre alors de chemins de promenades pittoresques et de plantations d’arbres évocateurs de l’ancien bâti. En lieu et place de l’ancien vignoble, le site des Granges se trouve également transformé en vaste parc arboré, ménageant des plantations d’arbres remarquables, des chemins forestiers et des loges de verdure sur toute la longueur du versant. Les aménagements du XIXème siècle structurent encore de nos jours fortement les paysages du site de Port-Royal des Champs. Jardins Actuels
En 1999 une opération d’envergure menée par le Ministère de la Culture, avec l’aide de mécénats d’entreprises, a toutefois permis de reconstituer le verger historique des Granges dans sa forme du XVIIème siècle. Ce dernier est actuellement entretenu par les bénévoles de l’association des Amis du Dehors, en lien avec les réseaux référents des Croqueurs de Pommes et du Potager du Roi à Versailles. Un ensemble de jardins pédagogiques et d’évocation, dits « Jardins d’Utilités », a également été crée depuis 2001 dans l’arrière cour de ferme, en lien avec des acteurs locaux du monde associatif, des réseaux éducatifs et médicaux (MGEN - Institut national Marcel Rivière). D’autres jardins évoquant la tradition médicinale ont également été recréés depuis 2010 sur le site de l’abbaye par des associations partenaires du musée : Les Amis de Port-Royal des Champs, l’association pour le Rayonnement Culturel de Port-Royal (APRC), et le Centre Athena. L’expérience horticole constitue donc encore de nos jours une des composantes importantes de la vie et de l’activité du lieu : un moyen simple d’approcher la richesse exceptionnelle du patrimoine de Port-Royal par « la porte du jardin ». |